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mardi 10 avril 2007

Aloha Metz

"Et évidemment, ce branleur de Judas est encore absent, alors que c'est son tour de faire la vaisselle!"
Jesus Christ, la Cène, ou le dernier repas du Christ

Petite nouveauté: je commencerai désormais mes billets par des citations de personnages célèbres, dont l'authenticité est certaine et la portée philosophique des plus reconnues.

Je viens de rentrer à Metz, par le train de nuit. Trajet fort inconfortable, difficile de dormir vraiment quand les lumières s'éteignent à 1h du mat et se rallument à 5h, avec le bavard au téléphone devant et les amoureux baveux derrière, et le siège aussi confortable qu'un sac de briques. Alors au lieu de trop dormir, j'ai pensé. Si, ça m'arrive.

J'ai pensé à ma planète et à mes baisses de motivation. Je me suis demandé si ça valait vraiment la peine que je m'efforce de sauver le monde pour les gosses des autres. Moi je n'ai pas vraiment envie de me reproduire. Alors si je n'ai pas de gosse pour lui montrer fièrement les lions et les baleines que j'ai contribué à sauver, pourquoi je me ferais chier pour les autres? Pourquoi je m'inquièterais des gosses des pollueurs, s'ils crèvent d'asphyxie parce que la forêt amazonienne disparaît et que la mer est tellement mazoutée que le phytoplancton refuse de remonter à la surface pour photosynthétiser? Pourquoi je me ferais chier pour des ours polaires dont tout le monde se fout parce que "la voiture c'est quand même bien pratique"? Pourquoi ce serait à moi de faire tout le travail, de sauver une planète où je ne laisserai probablement aucune trace, génétique ou autre? J'ai réfléchi et j'ai trouvé. Pour deux raisons.

Parce que si je ne compte pas avoir de gosses pour l'emmener voir les baleines, ce n'est pas pour autant que moi je n'irai pas. Je sauve ma planète parce que je vis dessus, merde. Parce que je veux voir la forêt amazonienne une fois dans ma vie, parce que je veux voir la banquise, les steppes de Mongolie, l'Ayer Rock et la barrière de corail. Parce que moi, je veux vivre sur un monde potable. Et parce que j'emmerde les blaireaux qui trouvent que l'écologie ne sert à rien et que les rêves c'est les magazines avec des yachts, des voitures et des chateaux.

Et aussi parce que je me sens coupable. Parce que je suis coupable d'être humain, d'être né dans un pays développé et d'avoir rien qu'en existant contribué au réchauffement climatique, à la désertification et autres. Mauvaise conscience de petit bourgeois, peut-être. Et peut-être pas. Peut-être que je trouve que c'est injuste qu'une seule espèce sur la planète décide pour toutes les autres. Peut-être que je pense qu'un peu d'humilité ferait du bien à l'humanité, peut-être que je pense que si on était vraiment des gens civilisés et intelligents, on respecterait les autres espèces, animales ou végétales, inférieures ou non. Parce que décider de l'avenir (pourri) de sa propre espèce, c'est le choix de l'humanité de crâmer dans des vapeurs d'acide et de soufre, mais que d'entraîner dans sa longue chute des centaines d'espèces est injuste et mesquin.

Rassénéré sur mes motivations, persuadé qu'à défaut d'être le sauveur du monde, au moins, moi, j'aurais essayé, j'ai continué à penser. Parce que pour comprendre que l'humanité est une plaie purulente et qu'elle est en règle générale conne comme ses pieds, il faut pas six heures.

Alors j'ai pensé à mon trajet en train. Le même, toujours le même depuis... des années déjà. Des années que pour la première fois j'ai vu ces panneaux... Marseille-Avignon-Valence-Lyon Part-Dieu-Dijon-Toul-Nancy... Avant ça s'arrêtait là. Maintenant je rajoute Metz. Avant quand je voyais "Toul" j'avais un grand sourire bête au milieu de la figure et je bondissais dans le couloir pour poireauter devant la porte pendant les trente minutes qui me séparaient encore de la gare de Nancy, histoire d'être le premier dehors. Maintenant, c'est "pff, Toul, encore une heure et demie avant Metz...". Avant j'allais à Nancy pour les vacances et la beauté de l'amour. Maintenant je vais à Metz pour les études. Avant j'avais quelqu'un qui m'attendait à la gare. Maintenant j'y retrouve ma voiture. Allez comprendre...

Et puis j'ai compris, là aussi. J'ai compris que je n'étais pas un accro acharné qui reste bloqué sur la même personne des années d'affilée à cause d'un quelconque trouble psychique obsessionnel ou d'une sensation de manque, pas plus que je n'étais un saint obnubilé par ses glorieux idéaux de fidélité éternelle et de résistance à la souffrance qui refuse de reconnaître son échec par pure fierté, comme on a parfois tenté de me le faire croire. J'ai compris que si j'étais resté dans cette ville, malgré les cahots du départ, malgré l'envie de repartir et retrouver ma chambre et mes potes, malgré l'absence de promesse ou même d'espoir digne de ce nom, c'est parce que je sais ce que je veux. Parce qu'à défaut de savoir l'exprimer convenablement, je suis capable de voir quand une personne fait réellement partie de ma vie. Parce que j'ai l'espoir tenace. Parce que pour m'empêcher d'aimer qui je veux, il me faut une grosse trahison, ou un très gros flingue.

Parce que je suis comme je suis, parce que j'aime qui je veux et parce que je n'ai pas besoin qu'on m'aime pour aimer (même si ça aide quand même vachement).

Comprendre que j'étais surtout guidé par mes espoirs et ma volonté, ça non plus ça m'a pas pris des plombes.

Alors j'ai pensé à pourquoi je me sentais étranger à ma propre vie, en ce moment. Pourquoi tout me paraît fade et sans beaucoup de goût (sauf LA chose, comme me l'a fait remarquer mon cousin qui a exactement le même problème). Pas de réponse, cette fois-ci. Faute de trouver comment expliquer mon indifférence face à tout sauf CA, j'ai préféré dormir. Et j'ai réussi.

A part ça, ma super écharpe à rayures noires et blanches est enfin finie. C'était mon cadeau de Noël.