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jeudi 4 octobre 2007

Patriotisme

"Quand un homme seul chante mal, c'est du bruit. Quand plusieurs hommes chantent mal, c'est du patriotisme."
Yves Montand

Hier, enfin cette nuit, avec la Poulette, on a eu une conversation pré-dodo, en beuglant entre deux étages, chacun allongé sur son lit respectif. Le sujet: le patriotisme. Elle n'y voit pas d'inconvénient. Moi je suis contre.

Cela tient sans doute en partie de ma formation d'écologue. On nous apprend dès les premières années que le monde est découpé en zones écologiques et climatiques, bien plus sensées et logiques que le réseau de frontières puzzlesques et changeantes de la géopolitique humaine. Les animaux et les plantes créent les limites de leur territoire selon les ressources dont ils ont besoin, le climat dans lequel ils peuvent survivre et la potentialité de se reproduire avec un partenaire (ou tout seul dans le cas des végétaux). Les humains tracent leurs frontières à coups de guerres, de traités, de compromis et de traditions. Ces limites n'ont aucune réalité dans la nature: autant dire que pour moi, ce ne sont que des désagréments stupides qui empêchent les gens d'aller où ils veulent sans passer sous l'haleine avinée des douaniers. Les écologues ont déjà poussé de nombreux coups de gueule, contre les différents gouvernements auprès de qui ils devaient demander des autorisations pour poursuivre leurs recherches sur un biotope compris dans plusieurs pays. Et je les comprends. Vive l'Europe, donc, vive l'ouverture des frontières et la fin des frontières gardées.

En outre, le patriotisme a pour moi de désagréables relents d'idéologies d'extrême droite, genre la France qui surpasse tout, la France plus beau pays du monde et tous ces ramassis de conneries, qui ont d'ailleurs beaucoup en commun avec la mentalité des supporters. Être fier d'un pays, de son pays? Non.

On pourrait me rétorquer "la France tu l'aimes ou tu la quittes", comme dirait un crétin que je ne nommerais pas par pur charité (et aussi pour ne pas me faire flasher par les RG). Ben non. La France, j'y suis né, par hasard certes, mais j'y suis né. On me demanderait mon avis maintenant, je dirais bien l'Irlande, la Grèce ou la Mongolie, à choisir, mais il se trouve que je n'ai pas choisi. La France, j'y suis, ce n'est pas ma faute, alors je ne vois pas pourquoi je devrais l'aimer. Je suis attaché à certaines personnes, à certains lieux qui ont jalonné ma vie et qui se trouvent en France, mais la France en tant que pays bleu-blanc-rouge qu'on vénère et qu'on fait passer avant tout, non, désolé, j'adhère pas. Et non, je ne la quitterai pas non plus. Pas par attachement. Simplement parce que maintenant que j'y ai vécu vingt ans, je parle français et je connais les us et coutumes du pays. Parce que je n'ai pas assez d'argent et de motivation pour aller voir ailleurs.

Alors oui, bien sûr, la France a plein d'avantage, j'apprécie pleinement la chance d'avoir l'eau, l'électricité, la nourriture, la démocratie, internet, la culture, tout ça. J'en suis content et je me réjouis d'être né ici plutôt qu'aux Etats-Unis, en Ethiopie ou en Birmanie. Mais je ne vois quand même pas pourquoi je devrais être patriote et me sentir ému quand des pèquenauds beuglent un horrible et archaïque chant guerrier dans un stade rempli de veaux décérébrés peinturlurés en bleublanrouj. Par gratitude? Je suis né en France de père français et de mère française: ce n'est pas un cadeau, c'est un état de fait. Je ne passe pas ma vie en dévotion envers l'éclair qui a agité les molécules dans la mer il y a plusieurs milliards d'années, pour donner les premiers acides aminés qui ont entraîné la création de la vie.

Et pourtant, cette image me parle plus. Parce que je préfère appartenir à une espèce, ou même mieux, à un monde, une planète, une biosphère, qu'à un pays qui n'a aucune réalité écologique. Je préfère être citoyen du monde plutôt que patriote français. Je vois plus loin que les limites étriquées de notre culture téléfoot-gastronomie-tour Eiffel. Je me sens fier d'être Terrien, dans le sens biologique et culturel du terme. Pas d'être français.

Cette vision des choses explique peut-être que le foot, le rugby, le 14 juillet et les commémorations diverses me laissent aussi froid, et que je préfère m'égorger avec une pelle à tarte plutôt qu'entonner la Marseillaise. Être patriote, c'est comme être chauvin: penser qu'une zone géographique mérite plus de respect qu'une autre simplement parce qu'on habite dedans. Il y a une sorte de mégalomanie là-dedans qui ne me plaît pas. Alors qu'être fier d'être Terrien, c'est plus sympa: tout le monde peut être terrien.

Sauf si nous ne sommes pas seuls, auquel cas je réviserai ma copie.

A part ça, j'ai rien foutu aujourd'hui, c'est mal.