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mercredi 14 novembre 2007

LRU, blocages, manifs et pingouin jaune

"Le blocage est contre-productif."
Valérie Pécresse, contre-productive

Après avoir vu ou constaté pas mal de réactions pseudo-violentes débiloïdes provenant de certaines personnes que je ne citerais pas par pure charité (mais allez quand même voir les infos sur http://www.aliceadsl.fr/, c'est instructif depuis qu'ils sont associés à TF1...), du genre "moi si j'peux pas aller bosser à cause des grèves ça va chauffer" ou "foutus étudiants qui ne savent pas ce qui est bon pour eux" (provenant de détenteurs de CAP) ou "les bloqueurs font chier, ils ont pensé à leur année (et surtout à la mienne)??" (et je caricature à peine), je pense qu'il est de mon devoir de maître penseur et de grand philosophe zen adepte du lotus sacré et du panda rigolo, de remettre un peu d'ordre dans les idées fort malmenées par les réactions néanderthaliennes de certains primates qui pensent qu'on peut régler les affaires sociales à coups de poings/lacrymo/pelle/whatever.

Alors on va parler de la loi LRU. Oui parce qu'à part "LRU, ça va se régler dans la rue!" scandé par les étudiants aux infos, et la vague intuition que le "U" veut dire "Universités", y'a pas grand monde qui maîtrise son sujet.

La LRU, présentée par la ministre de l'éducation Valérie Pécresse et votée par l'assemblée cet été, alors que les étudiants bossaient ou étaient en stage ou en vacances et ne pouvaient de fait pas se réunir pour tenter une opposition en temps et en heure(on reconnaît bien là les méthodes de notre vénéré gouvernement), prévoit notamment l'ouverture des facultés à la concurrence, en laissant les entreprises privées financer les pôles universitaires. Elle prévoit également l'augmentation du pouvoir du président d'université, qui pourra librement engager ou virer le personnel et les profs, comme un chef d'entreprise.

Au début, j'avoue que ça ne m'a pas fait grand chose de l'apprendre. Et puis, comme pas mal d'étudiants, j'ai un peu tiqué en voyant 3 étudiants seulement élus au conseil de la fac, et 6 patrons locaux (Mac Do, Bonduelle, Auchan, SFR, etc.). Et finalement, on m'a expliqué la loi. Alors à tous ceux qui ne voient pas ce qu'elle a de mal, j'explique:

Les universités vont devoir trouver elles-mêmes leur financement. En gros, démerdez-vous. Certaines seront forcément plus douées que d'autres pour trouver des financements, parce qu'elles auront des formations dans lesquelles les entreprises veulent bien investir (agronomie, économie, langues vivantes, chimie, biochimie, publicité, psychologie du consommateur, etc.), et seront plus riches. D'autres se casseront la gueule et ne pourront plus enseigner certaines formations, car jugées non rentables par les entreprises qui refuseront d'investir dedans. Car les entreprises ont évidemment le droit de décider où va leur argent. Bonduelle va débloquer des crédits pour le financement d'une filière agroalimentaire, par exemple, pas pour l'achat d'un microscope électronique à balayage.

Résultat, chers amis lycéens et étudiants de licence qui visez l'écologie, l'environnement, l'art, la littérature, les mathématiques, l'archéologie, l'histoire, la paléontologie, la psycho, la socio, la géologie, la géographie, la musique ou autre formation ayant peu de chance d'être jugée "rentable" par les entreprises, qui visent plutôt le court terme (ce qui s'oppose à l'idée même de recherche fondamentale, au passage), comment dire... DANS L'CUL LULU!

Un autre moyen de financer le maintien des filières mises en danger par cette loi est la hausse des frais d'inscription. Rien qu'à Paris je-sais-plus-combien, le montant a augmenté de 200€ cette année. A terme, rien n'empêche la mise en place de frais d'inscription se comptant en milliers d'euros.

Evidemment, les facs friquées pourront acheter des locaux (oui parce que les universités deviennent légalement propriétaires de leurs locaux: elles peuvent les vendre en cas de problèmes financiers) et employer les meilleurs profs, pour devenir des pôles de compétition. Et les autres... dans la sciure.

Ah oui, petite explication: pourquoi les étudiants rechignent tant à aller dans la rue? Parce que les étudiants en fin de licence ou en master, notamment, qui ne visent pas le doctorat, n'ont pas vraiment à se sentir concernés. Ben oui, moi par exemple, rien à carrer de la LRU: dans un an, j'ai mon diplôme, je suis sur le marché du travail, ensuite après moi le déluge: si d'autres veulent faire mon diplôme et ne peuvent pas parce qu'il disparaît faute de financement (ce qui a de fortes chances d'arriver), tant mieux pour ma gueule: moins de compétition avec les ptits jeunes. Sauf que je suis un peu plus solidaire que ça et qu'on m'a toujours appris à penser aux autres avant de penser à sa courge. Etudiants de master qui ne faites rien parce que vous savez que vous passez à travers des mailles du filet (alors que vous auriez été les premiers à gueuler si vous aviez eu deux ans de moins), je vous méprise, vous et votre égoïsme.

Ceux qui vont en subir les effets réels, ce sont les première année et les lycéens, qui vont voir petit à petit les voies empruntables se réduire. Et les gosses d'après, ceux qui sont encore au collège, à l'école ou à naître. A qui il faudra payer super cher des études financées par des entreprises. Qui, soit dit en passant, leur apporteront encore moins de chance d'obtenir un travail: ils seront formés à la professionnalisation par certaines entreprises, qui leur apprendront les méthodes en usage chez eux. Ceux qui seront ensuite engagés par ces entreprises, c'est cool. Ceux qui ne le seront pas resteront chômeurs, parce qu'ils ne connaîtront que des méthodes de travail restreintes et adaptées à une seule entreprise.

En clair, CRS, on se bat pour l'avenir de vos gosses, pour que vous ne payiez pas des frais hallucinants et pour que vos gosses puissent librement choisir leur voie.

Chômage en France: 9,5%
Chômage après un master: 5,5%

Conclusion: l'université ne conduit PAS au chômage.

Ah, et pour le fait que le président d'université ait tous les pouvoirs, pareil, où est la démocratie? 3 étudiants, contre un président dont la voix compte double et un conseil comprenant 7 personnes nommées par le président, sur 25 au total? Rappelez-moi, l'université, à la base, c'est bien pour les étudiants...? Sur le principe même, je pense qu'on devrait plutôt filer un peu plus de pouvoirs aux étudiants, car ils sont quand même les premiers concernés.

A présent, ce qui oppose les bloqueurs aux anti-bloqueurs. Les bloqueurs pensent que le blocage seul, qui paralysera l'enseignement supérieur du pays, comme au temps du CPE, a des chances de faire plier le gouvernement. Ca a déjà marché une fois. Ils pensent que la grève seule ne suffit pas, parce que pas assez puissante. Et dans le tas, il y a évidemment le tas de petits cons de première année qui trouvent que ça leur fait des vacances, ne le nions pas. Les anti-bloqueurs, eux, sont soit des abrutis de master qui pensent qu'après eux, le déluge, ce qui compense la présence des petits cons dans le camp des bloqueurs, soit des gens qui tiennent à poursuivre leurs études et qui pensent que c'est avec un bagage suffisant qu'ils auront de quoi se battre contre le gouvernement, et que les études sont un droit qu'il ne faut pas entraver.

A mon sens, du bon des deux côtés. Même si je suis davantage partisan du blocage (le terme correct de blocage c'est "piquet de grève". Vous avez déjà vu des grévistes voter pour ou contre?), je peux comprendre les inquiétudes des antis. D'autant que je m'inquiète de la suite du mouvement si tout le débat tourne autour de ça: les majorités seront de plus en plus serrées et le mouvement s'étouffera de lui-même du fait des déchirures entre les deux camps. Ca me fait mal au cul parce que c'est un type de l'UNI (droite universitaire, antichambre de l'UMP) qui l'a dit en premier, je crois, mais je serais prêt à négocier des blocages partiels avec blocage total les jours de manifs et un ou deux jours par semaine, pour mobiliser les troupes et les faire manifester, et ouvrir deux ou trois jours par semaine. Un compromis. On perdrait en efficacité, mais on gagnerait en union des étudiants, parce qu'ils sont pratiquement tous, à Lille 1 en tout cas, en faveur de la grève et déterminés à foutre la loi dans le cul de Pécresse.

Bref, maintenant, vous saurez de quoi ça cause dans les infos.

A part ça, je vous laisse, j'ai manif.